Enfin le nucléaire ne passe pas en Europe!

Le paragraphe 24 de la résolution contient les éléments qui représentent...

Mercredi 15 janvier, le Parlement européen a adopté une résolution sur le Green Deal visant à définir les secteurs dans lesquels investir pour une production d’énergie propre et durable. Le nucléaire n’en fait pas partie. Une victoire: il est bel et bien une énergie du passé.

  • Par Michèle Rivasi Députée européenne EELV, co-fondatrice de la CRIIRAD, co-initiatrice de la Marche des cobayes contre la pollution et les crimes industriels
  • Damien Carême Député européen (EELV), ancien maire de Grande-Synthe (2001-2019), Président de l’Association Nationale Villes & Territoires Accueillants

Le 15 janvier 2020, le Parlement européen a adopté une résolution sur le Green Deal sans donner aucun rôle à l’énergie nucléaire. Ce vote traduit une réussite: celle d’avoir laissé à l’écart les lobbyistes pro-nucléaires qui cherchent, à chaque résolution parlementaire sur le changement climatique, à afficher le nucléaire comme une solution d’avenir. Alors qu’il n’en est rien. 

Le Green Deal, pour les écologistes, se veut l’amorce d’un changement de paradigme, pas simplement la relance du vieux système teinté de vert. Le nucléaire et les énergies fossiles sont l’épine dorsale d’un système énergétique très centralisé et peu flexible, qui incite au gaspillage d’énergie… et qui accapare les ressources nécessaires à l’essor rapide des énergies renouvelables. 

L’industrie nucléaire, à l’aide de ses nombreux relais politiques, tente de s’infiltrer dans tous les textes de loi européens. Cette résolution sur le Green Deal a encore été la proie de tentatives d’amendements vantant le mérite des centrales. Autre exemple récent: l’insistance du gouvernement français pour inclure le nucléaire dans la définition européenne des investissements “verts” – en vain heureusement! Parfois, elle réussit, comme pour la résolution sur la COP25 de Madrid, votée en décembre dernier, qui reconnaît l’importance des centrales pour lutter contre le changement climatique. 

Au lieu de massivement investir dans les énergies renouvelables, les industriels font pression pour le statu quo, à grands coups de mensonges et de dissimulations.

Au lieu de massivement investir dans les énergies renouvelables, les industriels font pression pour le statu quo, à grands coups de mensonges et de dissimulations. Le nucléaire nous a toujours été vendu comme produisant l’électricité la moins chère. Mais on découvre petit à petit qu’elle est fortement subventionnée et que les coûts affichés ne prennent pas en compte le démantèlement des centrales ni le stockage des déchets [1]

Ce n’est donc pas pour rien qu’elle ne représente que 2% de l’énergie consommée dans le monde [2]… et la tendance n’est pas prête de s’inverser. Selon l’Agence Internationale de l’énergie, entre 2000 et 2013, 57% des investissements mondiaux se sont tournés vers les renouvelables, contre 3% seulement pour le nucléaire [3]

Le nucléaire reste très cher, sans être rentable. Le coût des centrales augmente  sans cesse alors que celui des renouvelables baisse. En France, Areva est en faillite et EDF traîne une dette financière brute de 70 milliards d’euros. Sans parler du projet ITER de fusion nucléaire, dont le budget, estimé à 5 milliards d’euros à son lancement, est maintenant neuf fois plus important .

En France, d’ici fin 2020, onze réacteurs dépasseront les 40 ans. La possibilité d’un accident nucléaire n’a jamais été aussi élevée.

300.000 tonnes de combustibles nucléaires usés et hautement radioactifs ont déjà été accumulées dans le monde pour des centaines de milliers d’années. Les États prévoient de les enterrer… mais les seuls sites d’enfouissement profond existants (Asse en Allemagne et le WIPP aux États-Unis) sont d’incroyables fiascos qui ont déjà contaminé leur environnement. 

En France, d’ici fin 2020, onze réacteurs dépasseront les 40 ans [4] . La possibilité d’un accident nucléaire n’a jamais été aussi élevée. En 2016, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, Pierre-Franck Chevet, avertissait: “Il faut imaginer qu’un accident de type Fukushima puisse survenir en Europe” [5], sachant qu’aujourd’hui encore, la gestion de cette catastrophe demeure problématique. En témoigne la volonté du gouvernement japonais de libérer progressivement les eaux stockées et contaminées dans l’océan, ce qui aurait des conséquences désastreuses pour les écosystèmes et la santé. 

Quelle est donc la solution, selon les pro-nucléaires? Une énergie qui émet peu de CO2 mais qui crée des no man’s land remplis de déchets radioactifs pour des milliers d’années. Une prolongation indéfinie de l’exploitation des réacteurs existants, donc une augmentation des risques dus à leur vieillissement. Et surtout le choix d’exposer la population à la menace d’une nouvelle catastrophe mondiale. 

Ces décisions empêchent la transition énergétique, créatrice de centaines de milliers d’emplois.

Ces décisions empêchent la transition énergétique, créatrice de centaines de milliers d’emplois. Les pays nucléarisés sont les plus grands émetteurs de CO2 au monde parce que les centrales de grande taille conduisent à des surcapacités de long terme, stimulant la consommation d’électricité au lieu de favoriser son utilisation rationnelle. La priorité aujourd’hui restent les économies d’énergies dans le bâtiment, l’industrie, le transport, l’informatique, etc.

Le scénario 100% renouvelable est le plus réaliste. En France, selon l’ADEME, y parvenir en 2050 coûterait à peine plus cher que de maintenir le nucléaire. Ne nous perdons pas dans de fausses solutions… laissons place aux énergies du futur!

[1] Une étude commandée par Greenpeace montre, à partir de données publiques, qu’EDF sous-provisionne les dépenses liées au démantèlement et à la gestion des déchets nucléaires, mais aussi que les investissements prévus par l’entreprise ne sont pas compatibles avec ses capacités financières.  

[2] La part du nucléaire dans la production d’électricité mondiale est marginale et n’a cessé de chuter. Entre 2000 et 2018, il a été installé 35 GW de nucléaire et 497 GW d’éoliennes. En 1996, le nucléaire représentait 17.6% de l’électricité mondiale, en 2017 ce n’est plus que 10.39%.          

[3] https://www.iea.org/publications/freepublications/publication/weio2014.pdf

[4] Les réacteurs de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), raccordés au réseau électrique en 1977 ont déjà atteint le seuil de 40 ans. Les réacteurs 2 et 3 de Bugey sont entrés en service en 1978. Sept autres, situés sur les sites de Gravelines, Dampierre-en-Burly ou encore au Tricastin franchiront le seuil cette année.

[5] https://www.liberation.fr/futurs/2016/03/03/il-faut-imaginer-qu-un-accident-de-type-fukushima-puisse-survenir-en-europe_1437315

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