Au moment où nous commémorons les bombardements des 6 et 9 août 1945 à Hiroshima et Nagasaki, le risque de voir le désastre nucléaire n’a jamais été aussi important. C’est ainsi qu’Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations Unies alerte : « aujourd’hui, l’humanité n’est qu’à un malentendu, à une erreur de jugement de l’anéantissement nucléaire », en ouverture de la conférence qui réunit les 191 Etats qui ont signé le traité de non prolification nucléaire.
Rappelons que le traité d’interdiction des armes nucléaires ( TIAN) est également entré en application et que bien entendu aucun pays possédant l’arme nucléaire ne l’a ratifié. La France comme les autres est dans l’illégalité aux yeux des Nations Unies. Elle participe à l’escalade dangereuse sous couvert de modernisation de ses équipements.
Les tensions internationales actuelles peuvent dégénérer en conflit généralisé, provocant la destruction de la vie humaine sur terre. Est-il utile de rappeler les points de tension susceptibles d’embraser la planète ? :
L’Iran n’a pas renoncé à se doter de l’arme nucléaire, tout comme la Corée du nord qui pense qu’elle assurera sa sécurité,
La tension à Taiwan avec la Chine qui déploie ses forces dans la région.
Le conflit en Ukraine et le chantage nucléaire de la Russie a remplacé la simple dissuasion. L’utilisation de la centrale nucléaire de Zaporizia dans le conflit, fait en plus courir un risque d’accident majeur.
« Nous avons été extrêmement chanceux jusqu’à présent » observait Antonio Guterres « mais la chance n’est pas une stratégie pour empêcher les tensions géopolitiques de dégénérer en conflit nucléaire ». Il ajoute, « éliminer les armes nucléaires est la seule garantie qu’elles ne soient jamais utilisées » ;
C’est possible à condition de le vouloir. Le CRILAN souhaite que la conférence des Nations Unies prenne des mesures à la hauteur des périls et sache convaincre les Etats nucléarisés de l’intérêt pour tous d’ appliquer le principe de précaution.
Le Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN) est enfin applicable
Depuis que le 24 octobre 2020 un cinquantième pays a ratifié le TIAN, les armes nucléaires seront interdites le 22 janvier 2021 selon le droit international reconnu par l’ONU,
Pourquoi cette information majeure est-elle absente des grands médias nationaux ? A cause de la crise de la Covid ou du feuilleton des élections présidentielles aux Etats Unis qui ont pris toute la place?
Il y a sans doute une explication supplémentaire, la France fait partie des neuf pays qui vont se trouver hors la loi. Ils possèdent à eux neuf, 16 000 bombes dont chacune équivaut à 100 Hiroshima. La France pèse peu à côté des géants américains, russes et chinois, avec ses 280 bombes qui sont déjà capables de tout détruire.
La France hors la loi sera donc condamnée….
Ainsi comme l’interdiction des armes chimiques entrée en vigueur depuis 1997 et les armes bactériologiques depuis 1975, les armes nucléaires seront totalement interdites après la trêve des confiseurs dans quelques semaines. Est-ce à dire que dès l’année prochaine, l’arsenal nucléaire mondial sera démantelé ? Ce serait trop beau et donc ce ne sera pas, car comme toujours les puissants se moquent du droit international (les armes chimiques et bactériologiques sont toujours utilisées par les puissances militaires qui n’ont pas ratifié les traités, Israël continue son annexion de la Palestine au mépris de toutes les résolutions de l’ONU etc …). Les procès internationaux pourtant possibles, tardent à se tenir.
Seule la pression populaire de l’opinion, des organisations non gouvernementales, des forces politiques et syndicales et des personnes qualifiées (scientifiques, militaires …) pourra faire appliquer ce nouveau traité d’interdiction.
Ainsi après que 122 pays aient voté en ce sens à l’Assemblée Générale des Nations Unies le 7 juillet 2017, seuls 84 pays ont signé le traité à la date du 24 octobre 2020. Il ne manquait à cette date qu’un cinquantième pays le ratifie, pour qu’il soit légalement applicable, ce qui est fait avec le Honduras.
Bien entendu la France n’a pas signé ce traité bien que selon des sondages 68% des français seraient favorables à sa ratification, mais la France ne veut pas.
Les raisons officielles pour lesquelles la France n’adhère pas au TIAN sont au nombre de trois :
Le TIAN est un texte jugé « inadapté » au contexte sécuritaire international marqué par la résurgence des menaces d’emploi de la force ;
Le TIAN s’adresse exclusivement aux démocraties occidentales et « ne servira donc pas la cause du désarmement, puisqu’aucun État disposant de l’arme nucléaire ne le signera » ;
Le TIAN « fragilise une approche réaliste d’un désarmement s’effectuant étape par étape.«
En guise de « l’approche réaliste d’un désarmement s’effectuant étape par étape » c’est plutôt le constat réaliste que la course à l’armement continue de plus belle avec 2000 milliards pour l’armement et 100 milliards par an pour le seul nucléaire, au niveau mondial.
Chaque année la France dépense près de 5 milliards d’euros pour la modernisation et le renouvellement des arsenaux nucléaires. Plus encore la loi de programmation militaire prévoit de doter sur la période 2019-2025, 37 milliards d’euros les forces nucléaires françaises, soit 20 milliards de plus que sur la période 2003-2008, et 60% d’augmentation, ce qui porterait la dépense annuelle à 6 milliards d’euros en 2023.
L’arme nucléaire menace la vie humaine sur terre
Le nucléaire militaire, mère du nucléaire civil, est une menace pour l’humanité entière ;
– En raison du risque d’un déclenchement des hostilités notamment accidentellement comme cela a déjà failli se produire une bonne dizaine de fois ces cinquante dernières années.
– Du fait qu’il est inadapté aux conflits d’aujourd’hui de nature terroriste
– Le raccourcissement actuel du délai de réponse (de l’ordre de quinze minutes dans les années soixante ) encore plus faible pour permettre d’empêcher la réaction automatique face à une fausse attaque.
– Du fait que les armes nucléaires modernes sont à présent pensées pour être utilisées pour des conflits locaux – on est désormais loin de la logique de dissuasion !
– Sous prétexte d’une protection (parapluie nucléaire) utilisation facilitée d’armes conventionnelles par les belligérants, en dehors des frontières des possesseurs dell’arte nucléaire évidemment.
Le coût du nucléaire militaire confisque les budgets utiles. Il compromet également les efforts nécessaires pour la transition écologique (notamment énergétique) et le combat contre le réchauffement climatique (dont les conséquences pour les plus faibles sont génératrices de conflits régionaux pouvant dégénérer en guerre pour l’accès aux ressources), Nous sommes bien loin d’être en capacité d’atteindre les 17 objectifs du « développement durable» pour 2030, il y a là des sommes colossales à récupérer.
Il maintient dans la pauvreté de plus en plus de personnes dans le monde, rappelons que le 1% des plus riches possède autant que les 50% des plus pauvres.
Cet argent serait mieux utilisé pour une politique de santé efficace, lorsqu’on voit seulement en France l’état de délabrement de l’hôpital public.
Quel sens pour cette escalade nucléaire ?
D’un point de vue ethnologique, la guerre lorsqu’on l’observe dans les sociétés dites « primitive » a un sens, répond à une fonction structurante (sens culturel propre, guerre entre clans, caractère rituel). Sans justifier l ‘exercice de guerres tribales évidemment, il est notable que dans nos sociétés « évoluées » la guerre de destruction massive n’a plus aucun sens, en acceptant l’idée de la fin de l’humanité pour se défendre sans vainqueur à la fin. Plus aucun sens sauf pour ceux qui en tirent profit financier en temps de paix.
Que faire ?
La pression mondiale doit être totale, multiforme, militante, judiciaire, diplomatique….
Signalons l’initiative commune du Mouvement de la paix et de Pugwash qui viennent de lancer un appel à signer par les scientifiques du monde entier.
Il demande l’application du TIAN, en faisant le lien entre la paix et le climat.
La France fait partie avec les USA, la Grande Bretagne, la Russie et la Chine des 5 pays disposant officiellement de l‘arme atomique. Quatre autres en seraient possesseurs : Inde, Pakistan, Corée du Nord, Israël.
Le mardi 31 mars 2020 en pleine période de confinement, alors que le pays tout entier évite la propagation de la contamination, que de nombreuses personnes sont privées de revenus, quand d’autres doivent travailler avec de faibles moyens de protection (activités indispensables), le gouvernement n’hésite pas à engager les forces aériennes stratégiques pour une simulation de frappe nucléaire, un exercice militaire comme si de rien n’était. Une dépense indispensable quand les hôpitaux manquent de tout ?.
C’est Macron qui parle de guerre au sujet du virus et pour cette soi-disant guerre, la dissuasion nucléaire se révèle bien inutile !
Le budget militaire et particulièrement celui consacré à la dissuasion nucléaire est plus encore que d’ordinaire sur doté et son maintien à son niveau actuel est moralement inacceptable.
La valse des milliards
Chaque année la France dépense près de 5 milliards d’euros pour la modernisation et le renouvellement des arsenaux nucléaires. Plus encore la loi de programmation militaire prévoit de doter les forces nucléaires françaises sur la période 2019-2025 de 37 milliards d’euros, soit 20 milliards de plus que sur la période 2003-2008, et 60% d’augmentation ; ce qui porterait la dépense annuelle à 6 milliards d’euros en 2023.
Avec les 4,7 milliard d’euros de la seule année 2019 il serait selon l’ICAN (International Campaign to Abolish Nucléar weapons , possible de financer:
100 000 lits de soins intensifs,
+ 10 000 ventilateurs
+ 20 000 infirmières
+ 10 000 médecins
Ces sommes ne tiennent pas compte d’autres dépenses de l’armée ou civiles comme la gestion des déchets nucléaires léguée aux générations futures.
Pourtant l’efficacité de cet argent englouti n’est pas démontrée tout comme la stratégie de dissuasion nucléaire (les dépenses militaires mondiales se seraient élevées à 1917 milliards en 2017 selon le Mouvement de la Paix).
En quoi la bombe nous protège-t-elle des actes terroristes, des pandémies, du dérèglement climatique, de la perte de biodiversité, qui sont pourtant aujourd’hui des menaces, bien réelles, à côté du risque de conflit armé généralisé bien peu probable ? La catastrophe sanitaire d’aujourd’hui qui touche le monde entier est bien peu de choses à comparer avec les effets d’une catastrophe nucléaire militaire.
La doctrine de la dissuasion nucléaire questionnée
Sur la scène internationale aussi, la tendance n’est plus au ralentissement du nucléaire militaire et c’est très inquiétant. Bien qu’ils aient été arrêtés depuis le 29 septembre 1992 les Etats Unis envisagent de reprendre des essais nucléaires afin de renforcer l’arsenal des armes nucléaires (selon le Washington post). L’administration Trump accuse en effet la Chine et la Russie de procéder à des essais nucléaires de faible puissance.
Dans ce contexte les américains n’excluent pas de reprendre des essais et équipement d’ogives de faible puissance (le tiers de la puissance de la bombe larguée sur Hiroshima) sur des sous-marins et pour une réponse rapide : on est donc loin de la dissuasion. L’administration Trump annonce en effet ne pas chercher à obtenir la ratification du traité d’interdiction des essais nucléaires, signé par les Etats Unis mais non ratifié par la Chine, l’Inde, le Pakistan et la Corée du nord ; contrairement à la Russie, la France et la Grande Bretagne qui l’ont fait.
A cette volonté américaine de doper l’arsenal des armes nucléaires, s’ajoute le choix de s’affranchir des traités limitant la course aux armes nucléaires notamment l’accord « ciel ouvert » signé en 1992 et entré en vigueur seulement en 2002. En effet les américains se sont également retirés de l’accord sur le nucléaire Iranien en 2018 et de celui sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI). Il en est de même pour les autres traités sur les missiles terrestres signés avec les Russes. Qu’en sera-t-il des accords START de réduction des armes stratégiques qui doivent prendre fin en février 2021 Seront-ils reconduits?
Printemps tragique
Ce printemps se sont succédé des évènements qui mettent à mal la stratégie française de dissuasion nucléaire.
Comble de l’efficacité de cette stratégie de défense française, le porte avion Charles De Gaulle, pièce maîtresse de la stratégie nucléaire française, n’est plus opérationnel à cause … non pas d’un manque de moyens, mais du Covid 19….la bonne blague !!!
Au moment où le sous-marin SNA Suffren commence ses essais difficiles à la mer par un retour en cale sèche, le SNA Perle dernier de la série Rubis à propulsion nucléaire vient d’être victime d’un grave incendie. Intervenu pendant les travaux périodiques de la Perle à Toulon cet incendie rend son avenir incertain et fragilise le dispositif militaire.
Le jour d’après a de fortes chances de ressembler aux jours d’avant pour que rien ne change….
Ces difficultés n’empêchent pas la France d’envisager un deuxième porte avion de type Charles De Gaulle pour au moins 5 milliards d’euros et 220 millions par an de fonctionnement.
Le 12 juin 2020 les essais du missile nucléaire M51 ont repris à partir du sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) Le Téméraire qui a tiré un missile balistique stratégique (sans charge nucléaire) à 120 millions d’euros depuis le large du sud-Finistère,
L’orientation du Livre Blanc de la Défense préconise de dépenser 100 milliards d’euros en 15 ans pour le renouvellement de la flotte des SNLE-NG en violation du traité de non-prolifération.
En consacrant autant d’argent au mépris des besoins de la population, la France s’entête dans une stratégie de défense remise en question par les autres pays. Pour preuve, en février dernier, Macron a considéré que la composante aéroportée pourrait mettre en œuvre à partir de 2035 un missile hypersonique emporté par un avion de combat, un porteur lourd ou un drone furtif.
En refusant d’adopter le traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN) alors que 122 pays l’ont fait, la France encourage la course mondiale aux armements.
Un mauvais signe pour la paix et l’avenir de l’humanité à la veille du 75ème anniversaire des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki.