Nucléaire et ligne THT : les effets sanitaires sur les vaches laitières enfin reconnus.

La Cour d’appel de Caen a condamné RTE à indemniser une ferme de la Manche. Les vaches de Dominique Vauprès éleveur laitier à Isigny-le-Buat, avaient été victimes de mammites à répétition à cause de la ligne à très haute tension THT reliée à la centrale nucléaire EDF de Flamanville.

Dans Ouest France du 30 octobre 2024, Guillaume Le Du revient sur le dossier épineux des effets sanitaires de la ligne THT sur les vaches laitières.

Confirmant le premier jugement, le lundi 28 octobre 2024 la cour d’appel de Caen et fixé à  444 000 € l’indemnisation pour des pertes économiques liées au passage de la THT.

Ces 444 000 € viennent dédommager des pertes de production, de pertes de qualité et des frais vétérinaires, sur une période allant de 1991 à 2014, date à laquelle l’éleveur a fini par déménager son exploitation à cinq kilomètres. Les problèmes de comportement dans le troupeau avaient démarré après la mise en route, en 1990, d’une nouvelle stabulation à 250 mètres du premier pylône de la THT et à 40 mètres d’un transformateur. « Les 70 vaches laitières ont toutes été victimes, à tour de rôle, de mammites », se rappelle Dominique Vauprès. Les infections ont provoqué d’importants problèmes de qualité (cellules) du lait qui s’est retrouvé déclassé.
« L’arrêt sous tension de la ligne, entre le 2 et le 29 août 2012, pour permettre l’achèvement de la construction de la ligne, a permis de constater une amélioration nette du comportement du cheptel et une diminution des mammites. » 
En délocalisant son exploitation le 1er avril 2014, Dominique Vauprès a définitivement réglé ses problèmes. Ses vaches (les mêmes) ont très vite produit un lait comprenant un taux normal de cellules.

Plusieurs fermes de la Manche, notamment en proximité des lignes THT, vivent un calvaire. « J’ai eu des gros soucis sur mon exploitation à partir d’octobre 1991», témoigne Dominique Vauprès, d’Isigny-le-Buat.

Dans la Presse de la Manche du 28 janvier 2025 J P Massieu revient sur ce dossier à l’occasion de la campagne des élections aux Chambres d’agriculture de la Manche. La Carava-Conf’ de la Confédération paysanne s’est arrêtée le lundi 20 janvier, dans une ferme à  Gréville-Hague.  

Ce dossier épineux, François Dufour, ancien leader de la Confédération paysanne et ancien conseiller régional, s’en est chargé depuis plus de 30 ans : « J’ai toujours pris à bras-le-corps la problématique du comportement des vaches chez Serge Provost qui était un voisin. » « c’est à chaque fois les mêmes symptômes : dégradation de la qualité du lait, amaigrissement des vaches, défaut de croissance des veaux jusqu’à parfois la mort ou encore les « vaches qui s’affolent quand il y a du brouillard. »

Pour Dominique Vauprès, ancien adhérent de la FDSEA passé depuis à la Confédération paysanne « C’est un problème de santé animale et psychologiquement, c’est invivable. Il y a de la casse : faillite, ventes de troupeaux, délocalisation aux frais de l’agriculteur. » Jusqu’au suicide parfois.

François Dufour rappelle : Les vétos étaient impuissants. En 1997, on a rencontré Louis Le Pensec qui venait d’être nommé ministre de l’agriculture et qui connaissait un cas près de chez lui dans le Finistère. Il a nommé trois délégués sur le sujet. Un rapport est né. Il y avait des anomalies inexpliquées. C’est lié au sol, au sous-sol, à l’humidité. Les vaches ont quatre membres qui touchent le sol, sans chaussures. L’animal ressent 100 fois plus les courants parasites, appelés aussi courants vagabonds. Louis Le Pensec a fait naître le GPSE. On a bossé pendant 4 ans », retrace François Dufour.
Il a conservé précieusement le rapport «Mieux connaître les risques des courants électriques parasites dans les exploitations d’élevage» produit à l’époque par le ministère de l’Agriculture, EDF, Promotelec, les Chambres d’agriculture de France et Groupama.

https://www.gpse.fr/IMG/pdf/plaquette_courants_parasites.pdf

« Le long de la ligne THT de la Manche, on a à peu près 150 élevages qui sont proches, sur une largeur de 250 mètres de chaque côté », estime François Dufour. « Le GPSE a 120 dossiers sous le coude ».

Le jugement de la Cour d’appel de Caen est une bonne nouvelle pour les éleveurs concernés  

Ouest France conclut : « C’est positif pour l’éleveur qui a subi tant d’années de galère », a commenté l’ex-conseiller régional normand et militant écologiste François Dufour, qui suit de très près les dossiers du genre depuis les années 1990. « C’est un moment très important dans la reconnaissance de lien de cause à effet, a-t-il ajouté après avoir pris connaissance du verdict. J’espère que cela va pouvoir faire jurisprudence. C’est la première fois que l’on obtient une réponse positive de ce niveau. On est un peu surpris, agréablement surpris. »

Le principal intéressé, Dominique Vauprès, se dit « très content » mais reste méfiant. L’éleveur laitier manchois s’estime satisfait de ce que la responsabilité de RTE est « enfin reconnue ». Même si, l’agriculteur a « perdu le double » de la somme qui doit aujourd’hui l’indemniser. De son côté, RTE a « pris connaissance de la décision de justice et n’écarte pas la possibilité de faire appel.»

Consulté par nos soins, François Dufour souligne « que de nombreux cas subsistent à travers l’hexagone. Malheureusement les pouvoirs publics ne prennent pas le problème à bras le corps alors que des réseaux de transports de l’énergie par le sol ou dans les airs sont sans cesse multipliés.
Courants parasites et champs électromagnétiques ne font pas bon ménage avec le vivant.
La grande inquiétude est de savoir si du fait de la concentration de la production d’énergie, on pourra toujours exercer le métier d’éleveur… »

Une video revient sur la lutte contre la THT autour du Chefresne avec notamment Francois Dufour, Dominique Vauprès et Jean Claude Bossard

« Au printemps 2012, le bocage normand voit s’ériger une nouvelle ligne à très haute tension afin de relier le futur EPR de Flamanville au réseau EDF. Suscitant de vives interrogations notamment sur la question des risques avérés sur la santé, le débat public mené par RTE (Réseau de Transport d’Electricité) n’est pas parvenu à satisfaire l’ensemble des acteurs économiques et politiques de la région. Parmi les éleveurs et les élus locaux, la riposte s’organise. Ils souhaitent avant tout défendre leurs droits et militent pour qu’un moratoire leur soit accordé. Malgré une lutte acharnée, ils se sont heurté à la puissance du lobby nucléaire et au pouvoir du Préfet qui ont su utiliser l’argent et la force pour parvenir à leurs fins. »

Dans la brume électrique a été sélectionné aux festivals « Champ Contrechamp » de Lasalle (30) et « Caméra des Champs » de Ville-sur-Yvron (54), où il a reçu le prix de l’encouragement.

https://vimeo.com/70955700

Sources :

https://www.ouest-france.fr/normandie/coutances-50200/ligne-tres-haute-tension-rte-condamne-a-indemniser-un-eleveur-de-la-manche-8d499336-e28e-11ec-a665-c765ae49fc18

https://actu.fr/societe/leur-ferme-est-installee-a-cote-dune-ligne-tres-haute-tension-ces-agriculteurs-vivent-un-calvaire_62148512.html

https://reporterre.net/La-bataille-de-la-THT-Cotentin

Voir aussi un rappel de la lutte

https://reporterre.net/La-bataille-de-la-THT-Cotentin

et la page Wikimanche

https://www.wikimanche.fr/Ligne_THT_Cotentin-Maine

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Une réponse sur “Nucléaire et ligne THT : les effets sanitaires sur les vaches laitières enfin reconnus.”

  1. Bravo à tous ceux qui ont persévéré sans se décourager devant la montagne d’adversité.
    La preuve que le mythe de Sisyphe peut être vaincu.
    Ne jamais rien lâcher, la devise qui doit toujours nous animer pour nous donner le courage de toujours recommencer.

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