Projet Orano « Aval du futur » : la réaction du CRILAN

Le CRILAN est intervenu lors de la CLI Orano du 12 décembre pour souligner que le projet ORANO « Aval du futur » devrait s’inscrire dans la future PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie). Il a demandé si ce projet respecterait la convention OSPAR et si un débat public serait organisé.

Credit Photo La Hague Istock

C’est un Gouvernement probablement virtuel ou rescapé qui devrait signer le décret fin 2024 alors que c’est l’Assemblée Nationale qui aurait dû pouvoir discuter et voter la loi.
Ce déni de démocratie masque mal la relance du nucléaire voulue à marche forcée par le Président Macron depuis son discours de Belfort en 2022.

L’activité des usines de la Hague étant prévue jusqu’en 2040, le projet « Aval du futur » concerne donc la fin du parcours du combustible nucléaire et de ses déchets nucléaires, et donc principalement le Cotentin et la Hague,
 Sans attendre, des maires et élus de droite et de gauche du Cotentin soutiennent ce projet pharaonique digne des années ’80 et plus à la Hague. Une équipe pouvant atteindre 550 personnes vient de s’installer sur Cherbourg, un directeur de projet est embauché.

Si l’Etat trouve l’argent magique, le projet aboutirait à 4 piscines nucléaires supplémentaires, une usine nouvelle UP4 de traitement des combustibles usés les plus radioactifs (MOX) et aussi une usine de fabrication du MOX à partir du plutonium. Et toujours plus de rejets en mer et dans l’air…

A ce propos le CRILAN a demandé jeudi si ce projet serait compatible avec les exigences de la Convention OSPAR qui interdit les rejets en mer à compter de 2050, après avoir repoussé la date initialement prévue à 2020…

Enfin l’association a demandé si un débat public serait conduit sous l’égide de la CNDP (commission nationale du débat public) afin de donner la parole au public et notamment aux habitants de la presqu’ile la plus nucléarisée au monde.

Aujourd’hui et outre les aspects environnementaux et sanitaires, il est encore le moment de s’interroger sur l’intérêt technique et économique du retraitement des combustibles usés..

L’information suivante étant restée confidentielle, le public peut déjà participer à la consultation sur la PPE ouverte du 4 novembre jusqu’au lundi 16 décembre seulement.

https://concertation-strategie-energie-climat.gouv.fr/comment-participer.

Pour éclairer le débat qui commence (faute de débat parlementaire) , ci dessous un lien vers un article de l’ACRO qui questionne l’intérêt technique du retraitement.

https://www.acro.eu.org/nucleaire-un-cycle-du-combustible-grippe-note-dinformation/

Depuis de nombreuses années le CRILAN s’oppose à la politique de retraitement des combustibles nucléaires usés que la France poursuit depuis sa volonté d’extraire du plutonium pour la bombe atomique. Le CRILAN milite pour le stockage à sec des combustibles usés et la neutralisation du plutonium accumulé.

Programmation Pluriannuelle de l’Énergie : la prolongation du risque nucléaire nous emmène droit dans le mur !

Communiqué du Réseau Sortir du Nucléaire du 21 janvier 2020

Le texte de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), censé définir les grandes lignes de la politique énergétique française pour les années à venir, vient d’être mis en consultation. Déjà un an de perdu dans cette pseudo-programmation [1], à laquelle cette courte consultation servira de caution. Avec le recul à 2035 de l’échéance pour atteindre 50% de nucléaire dans le mix électrique, il acte une dangereuse prolongation de la durée de fonctionnement du parc nucléaire… et prévoit déjà une relance absurde. Le Réseau “Sortir du nucléaire“ dénonce fermement cette fuite en avant.

Un recul irresponsable de la fermeture des plus anciens réacteurs

Face à la difficulté d’atteindre les 50% de nucléaire dans le mix électrique en 2025, le gouvernement a carrément repoussé cette échéance de 10 ans. L’argument climatique a bon dos, au vu du recul en ce domaine acté par ce texte [2]. Ce report ne relève pas du pragmatisme, mais d’attentisme pur et simple, et aura des conséquences lourdes sur la sûreté. 14 réacteurs seront fermés d’ici 2035, l’arrêt au moment de la 5ème visite décennale (soit plus de 50 ans de fonctionnement effectif !) devenant la norme [3] .

Cela signifie qu’en 2035, 44 resteront en fonctionnement, sans que leur sort ultérieur n’ait été envisagé. Même en partant du principe que les plus anciens auront déjà été fermés, près de 20 auront alors atteint ou dépassé les 50 ans de fonctionnement effectifs.

Le gouvernement part ainsi du principe que ces réacteurs pourront continuer à fonctionner sans problème, une fermeture avant 50 ans étant considérée comme « anticipée » et ouvrant droit à compensation pour EDF. Ceci revient à ignorer totalement l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire, seule habilitée à décider de la poursuite ou non du fonctionnement d’un réacteur, ainsi que les enjeux liés au vieillissement. Rappelons pourtant que certaines pièces comme les cuves, ne sont ni réparables ni remplaçables. De nouveaux défauts de fabrication, résultant d’affaires de fraudes, sont régulièrement découverts sur des pièces équipant le parc nucléaire. Enfin, quid des doutes de l’ASN sur la capacité d’EDF à réaliser de gros travaux pour prolonger le fonctionnement de ses réacteurs ?

Le gouvernement a délibérément choisi d’ignorer cette question, au point de refuser, lors du vote de la loi énergie-climat, un amendement proposant que la PPE comporte des scénarios alternatifs si un ou plusieurs réacteurs devaient fermer pour raison de sûreté.

La relance du nucléaire à l’ordre du jour

On peut se réjouir qu’un scénario 100% renouvelable soit évoqué dans cette PPE. Toutefois, il ne s’agit que d’une option au milieu de nombreuses autres concourant à une fuite en avant dans le nucléaire. La construction de 6 nouveaux EPR, déjà évoquée dans une lettre du gouvernement à EDF, figure cette fois-ci noir sur blanc.

Des recherches sont également envisagées pour le développement de « Petits Réacteurs Modulaires » et pour accroître l’utilisation du combustible MOX. Les installations de fabrication du combustible, pourtant déjà atteintes par le vieillissement, verront leur fonctionnement prolongé jusqu’en 2040. Enfin, malgré l’abandon du prototype Astrid, est évoqué l’éventuel développement d’un parc de « réacteurs à neutrons rapides » dans la deuxième moitié du XXIème siècle.

Cette fuite en avant dans le nucléaire aura bien sûr des conséquences en termes de sûreté, mais aussi de production de déchets. Alors que le projet Cigéo d’enfouissement de déchets radioactifs, imposé à la population du Grand Est, présente toujours des problèmes de sûreté importants, la PPE concède que « la question d’une extension ou de nouvelles capacités de stockage géologique pour accueillir les déchets générés par le nouveau parc se posera » !

Une politique énergétique court-termiste dictée par l’industrie nucléaire

Après de multiples étapes d’élaboration et « consultation » vaines, le constat reste le même : la PPE est dictée par EDF et ses choix court-termistes. L’application des décisions mises en œuvre aboutira à une situation absurde de surproduction, les énergies renouvelables venant s’ajouter au nucléaire au lieu de s’y substituer. Tous ces risques seront donc pris pour permettre à la France d’exporter une électricité nucléaire dont nos voisins ne voudront sûrement pas. Et quoi qu’en dise EDF, qui semble privilégier une approche low-cost au mépris de la sûreté et des personnes en charge des travaux [4], le vieillissement des réacteurs renchérira forcément le coût de production déjà élevé de cette électricité.

La consultation qui vient de commencer apparaît comme une étape de pure forme, qui vient confirmer le mépris pour l’avis des citoyennes et citoyens. Lors du débat public organisé en 2018 sur la PPE, les 400 personnes tirées au sort s’étaient exprimées massivement contre le report à 2035 des 50% de nucléaire, contre la prolongation de nombreux réacteurs à 50 ans et contre la construction de nombreux EPR. Dans ce document, il n’en reste aucune trace.

Que faut-il faire pour être enfin entendus ? Comme tant de citoyen.es le répètent, le nucléaire est une énergie du passé qu’il faut arrêter de toute urgence, plutôt que d’alourdir le fardeau pour les générations futures.

https://www.sortirdunucleaire.org/Programmation-Pluriannuelle-de-l-Energie-la-56011


Notes

[1] La PPE était censée être impérative sur la période déjà entamée de 2019-2023, puis révisable sur 2024-2028, et n’engage à rien du tout après

[2Comme le rappelle le Réseau Action Climat, la feuille de route proposée par le gouvernement, avec cette PPE couplée à la Stratégie Nationale Bas-Carbone, est insuffisante pour atteindre les objectifs de réduction d’émissions fixés par l’accord de Paris

[3] Outre Fessenheim, de 2 à 4 réacteurs pourraient faire l’objet d’une fermeture « anticipée », dont 2 à des conditions dépendant de facteurs internationaux. Autant dire que le gouvernement ne s’engage pas.

[4] EDF a en effet revu à la baisse le coût du « Grand Carénage » et conteste le chiffrage effectué par la Cour des Comptes. Cette baisse traduit-elle une volonté d’EDF d’économiser sur la sûreté en n’effectuant pas certains travaux et en accroissant encore plus le dumping social ?

Recevez nos nouveaux articles par email

Nous ne spammons pas !