L’EPR de Flamanville, toujours au cœur de scandales, se dirige vers un démarrage précipité

Communiqué commun du 23 juillet 2024 CRIIRAD, CRILAN, Global Chance, Robin des Bois, et Réseau « Sortir du nucléaire »

Le 7 mai 2024, nous dénoncions la décision de mise en service de l’EPR de Flamanville. Aujourd’hui, nous alertons par le biais de deux actions en justice sur cette mise en service hâtive alors que des questionnements restent sans réponse.
Nous déposons un recours devant le Conseil d’État contre cette décision de mise en service, et une plainte contre X afin de faire toute la lumière sur les irrégularités constatées par l’Autorité de sûreté nucléaire sur des pièces de l’EPR.

Nous déposons un recours contre la mise en service précipitée de l’EPR au détriment des impératifs de sûreté

Le 7 mai 2024, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a donné son accord pour que l’EPR de Flamanville soit mis en service, c’est-à-dire pour qu’il reçoive son premier chargement de combustible. Une décision prise avant tout pour éviter les conséquences juridiques d’un énième report. En effet, la mise en service de l’EPR de Flamanville a déjà été repoussée par décret deux fois par le passéen 2017 et en 2020, car l’installation n’était pas prête à démarrer.

On aurait pu penser que ces deux reports allaient fournir à EDF une marge confortable pour s’assurer que son installation pourrait démarrer sans risque en 2024. Pourtant, malgré les délais supplémentaires accordés à l’exploitant, celui-ci n’a pas réussi à mettre en service l’EPR de Flamanville dans les temps impartis :

  • La mise en service du réacteur nucléaire aurait dû intervenir avant le 10 avril 2024, d’après le décret d’autorisation de création. Elle est finalement intervenue près d’un mois après, le 7 mai 2024. Problème : les délais de mise en service existent pour protéger la population et l’environnement d’un projet devenu trop ancien. C’est l’ASN elle-même qui indiquait dans un avis que ces délais visent à « éviter la mise en service d’une installation dont l’environnement ne serait plus compatible avec le fonctionnement et/ou à ne pas laisser perdurer l’autorisation de création d’une installation dont l’exploitant ne serait pas en mesure d’achever la construction ».
  • Le délai d’instruction de la demande de mise en service, d’une durée d’un voire deux ans si le dossier est complexe, n’a pas été respecté non plus. Le dossier de mise en service de l’EPR a été déposé par EDF en 2021 auprès des services de l’ASN, qui avaient jusqu’au 7 mai 2023 pour instruire le dossier. Mais la complexité de ce dernier et les problèmes techniques du chantier ont poussé l’ASN à s’octroyer un délai supplémentaire d’un an – contrairement à ce qui est autorisé par le code de l’environnement. Avec ce nouveau délai, elle avait jusqu’au 7 mai 2024 pour instruire le dossier, sans quoi une décision tacite de rejet de la demande d’autorisation de mise en service déposée par EDF intervenait.

C’est à la lumière de ce contexte que nous comprenons que la mise en service de l’EPR de Flamanville est intervenue non pas parce que l’installation était prête à accueillir du combustible mais par précaution juridique et sous la contrainte de délais très serrés : malgré les multiples retards et reports qu’a connus l’EPR de Flamanville, c’est bien dans la précipitation qu’a été autorisée cette mise en service.

Le 8 juillet 2024, la « Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité » (CRIIRAD), le « Comité de Réflexion, d’Information et de lutte Anti-Nucléaire » (CRILAN), Global Chance, Greenpeace France, Robin des Bois et le Réseau « Sortir du nucléaire » ont donc décidé de déposer, ensemble, un recours contre cette décision de l’ASN qui autorise la mise en service de l’EPR de Flamanville.

Nous déposons une plainte pour faire toute la lumière sur les irrégularités relevées sur certaines pièces de l’EPR

Cette décision de mise en service est encore plus étonnante à la lumière des révélations de l’ASN, qui, lors de ses vœux à la presse 2024, dévoilait de nouveaux problèmes de contrefaçons, falsifications et suspicions de fraude (CFS). [1]

Ces cas, informe l’ASN, se distinguent par le périmètre conséquent de matériels possiblement concernés, ainsi que par les conséquences potentiellement importantes sur la sûreté des réacteurs. L’Autorité de sûreté nucléaire a donc signalé ces faits à la justice et refuse depuis de nous donner davantage d’informations sous couvert du secret de l’instruction [2].

C’est un article de Reporterre qui nous a permis d’obtenir plus d’informations sur cette affaire et appris que ces cas concernaient, entre autres, deux entreprises produisant des matériels destinés au réacteur EPR de Flamanville. L’article indique que « c’est au cours de l’instruction de l’autorisation de mise en service de l’EPR [que l’ASN] aurait constaté des irrégularités dans des attestations de conformité, notamment pour des vannes, des tuyaux… « 

À ce stade, avec les éléments dont nous disposons, nous pouvons nous interroger :

  • Des composants non conformes à des exigences essentielles de sûreté ont-ils été mis sur le marché ?
  • Des faux documents ont-ils été rédigés et utilisés pour camoufler ces malfaçons ?
  • EDF a t-il correctement surveillé ses fournisseurs afin d’empêcher l’installation de pièces non conformes sur son EPR ?

Nous exigeons des réponses à ces questions.

C’est pourquoi les associations Réseau « Sortir du nucléaire », CRIIRAD, CRILAN, Robin des Bois, Greenpeace France, FNE Normandie et Global Chance ont déposé une plainte aujourd’hui, le 23 juillet 2024, auprès des parquets de Cherbourg et de Paris pour qu’elle soit jointe à la procédure pénale ouverte à l’initiative de l’ASN.

ℹ️ Pour en savoir plus :

Contacts presse :

  • Lisa Pagani – Juriste du Réseau « Sortir du nucléaire » : 07 62 58 01 23
  • Jacky Bonnemains – Robin des Bois : 01 48 04 09 36
  • Bruno Chareyron – CRIIRAD : 06 27 27 50 37
  • André Jacques – CRILAN : 06 08 84 22 22
  • Michel Labrousse – Global Chance : 06 84 62 59 91

Image de couverture : JKremona – Wikimedia Commons – CC BY SA 4.0 (Image modifiée)


Notes

[1] Comme explicité lors du webinaire sur les « falsifications et suspicions de fraude » organisé le 7 juin 2024 par l’ANCCLI et le HCTISN, les CFS peuvent regrouper une multitude de situations :

  • Des irrégularités ponctuelles qui ne peuvent pas affecter d’autres installations (réalisation d’activités de chantier sans le niveau requis d’habilitation, une activité de soudage par exemple / Attestation de réalisation d’une activité alors que celle-ci n’a pas été réalisée / falsification de certificats de qualification de soudeurs / défaut masqué / falsification de signature, etc).
  • Des irrégularités qui ont un effet transverse car elles touchent à la fabrication d’équipements à destination de plusieurs installations nucléaires (contrefaçon de composants électroniques / effacement de données visant à masquer une erreur de fabrication / réparations non autorisées et non tracées / modification de certificats attestant des caractéristiques mécaniques et chimiques d’un matériau/ absence de réalisation d’essai, ceux-ci étant déclarés comme réalisés).

[2] 40’15 de la vidéo https://www.youtube.com/watch?v=v9HGfnP_5hQ

Vers l’article relatif aux contrefaçons

https://www.sortirdunucleaire.org/Des-nouvelles-revelations-de-contrefacons-de

Laborieuse mise en service de l’EPR de Flamanville 

Comme Global Chance l’a plusieurs fois souligné, le risque de voir l’impératif politique prendre le pas sur la rigueur scientifique et la culture de sûreté est grand.

« La mise en service de l’EPR de Flamanville, décidée par l’ASN le 7 mai 2024, s’avère difficile. Ce qui n’est pas étonnant lorsqu’on garde en mémoire les nombreux problèmes que ce réacteur a accumulés depuis le début de sa construction.

Comme Global Chance l’a plusieurs fois souligné, le risque de voir l’impératif politique prendre le pas sur la rigueur scientifique et la culture de sûreté est grand.

La manière dont sont diffusées les informations relatives à la mise en service est inquiétante et ne répond en rien aux conditions stipulées par l’ASN dans sa décision d’autoriser la mise en service.

La prochaine étape, à savoir la recherche de la criticité et la première divergence, est capitale. Une mise en œuvre hâtive pourrait s’avérer problématique pour l’intégrité du réacteur et ferait courir des risques aux populations riveraines.

Cette note est appelée à être mise à jour régulièrement en fonction de la situation et de la disponibilité des informations relatives aux opérations de démarrage de l’EPR. »

Pour lire l’article :

https://global-chance.org/Laborieuse-mise-en-service-de-l-EPR-de-Flamanville

Commentaire: le CRILAN relaie les informations de l’association Global Chance à propos de l’EPR. Son dossier complet  » Risques et doutes » sur l’EPR est à retrouver sur son site et relayé sur le site du CRILAN.

EPR Doutes et risques: le rapport complet de Global Chance

Michel Labrousse et Bernard Laponche signent un document complet sur la situation de l’EPR au moment où EDF est autorisé par l’ASN à charger le commbustible et se prépare à la divergence nucléaire du réacteur.
Autant d’arguments qui devraient inciter à la prudence et justifient selon nous une expertise indépendante et internationale sur l’EPR, celle là même qui a été proposée et refusée par le Conseil Départemental et la CLI de Flamanville en mai 2023 et qui fait l’objet d’un recours au Tribunal administratif de Caen.

« Le réacteur EPR de Flamanville était en construction depuis 2007 lorsque sa mise en service a été autorisée par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) le 7 mai 2024. La construction de ce réacteur a connu de nombreux retards du fait de multiples modifications de conception, de défauts dans les équipements, d’échecs dans les réalisations, même les plus classiques.

Après un rappel historique de l’élaboration de ce projet et des avatars de sa longue période de construction, ce rapport de Global Chance présente les problèmes qui risquent d’obérer le fonctionnement et la sûreté du réacteur et commente les solutions apportées ou proposées par EDF.

Les problèmes analysés sont classés en trois catégories : :

A. Problèmes graves et persistants.

Ces problèmes peuvent affecter ou retarder la divergence, la montée en puissance et le fonctionnement du réacteur à court terme.

B. Problèmes sérieux dont les solutions sont risquées Ces problèmes sont susceptibles d’obérer le fonctionnement du réacteur à moyen terme.

C. Problèmes sérieux, solutions à surveiller Ces problèmes peuvent être considérés comme résolus mais il faut démontrer qu’ils ne présentent aucune difficulté à long terme.

Sont ainsi analysés plus de vingt problèmes de toute nature.

L’analyse de ces problèmes a conduit Global Chance à proposer des contributions aux consultations de l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) en préalable à la mise en service de l’EPR. Des doutes persistent et les mesures préconisées ne sont pas sans risque.

https://crilan.fr/images/2024/06/GC-Rapport-EPR-mai-2024.pdf

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