Pourquoi parle-t-on à nouveau des autorisations de rejets radioactifs et chimiques de Flamanville et plus particulièrement de l’EPR…

I. Pour comprendre : Un rapide historique

Le 17 octobre 2014, le recours du CRILAN contre le décret autorisant les rejets des réacteurs nucléaires 1&2 et de l’EPR de Flamanville était rejeté par le Conseil d’Etat (Frais de justice : 3000 euros à donner à EDF).

Comment en est-on arrivé là ou comment les autorisations de rejets radioactifs et chimiques ont-elles été données plus rapidement que ne se construit un réacteur nucléaire EPR ?

  • En 2006, depuis plusieurs années, en difficulté pour respecter ses autorisations de rejets liquides de tritium en mer pour sa centrale de Flamanville, EDF demande leur presque doublement ( De 60 000 Gbq à 110 000) pour les réacteurs 1 et 2 et leur triplement ( De 60 000 à 180 000 Gbq avec le réacteur EPR ). Quatre associations de défense de l’environnement, siégeant alors à la commission locale d’Information( CLI) avaient lancé un appel à s’opposer à l’augmentation de ces rejets.
  • Septembre 2010 : Trois ans et demi après l’enquête publique, alors que bien des incertitudes à propos de la sûreté du réacteur EPR ont été relevées, le décret sort, décret que le CRILAN attaque en mars 2011 devant le Tribunal administratif de CAEN, après avoir vainement attendu une réponse au recours gracieux envoyé au Ministère de l’Industrie…
  • En juillet 2012, le Tribunal administratif de Caen passe finalement « la patate chaude » au Conseil d’Etat…
  • Septembre 2014 : jugement du Conseil d’Etat rejetant le recours du CRILAN.

Ces autorisations posaient pourtant beaucoup d’interrogations

  • elles ouvraient la porte à deux gestions possibles de combustible : On ne connaissait toujours pas officiellement à ce moment le combustible utilisé dans L’EPR, dont la mise en service devait être opérationnelle primitivement en 2012, puis en 2014, repoussée en 2016 ( essais, puis montée en puissance jusqu’en fin 2018 (!) : soit à l’uranium enrichi ou soit à l’uranium enrichi “dopé” (HTC) sur lequel continuait de peser beaucoup d’incertitudes alors que le MOX était annoncé à l’enquête publique pour la création de l’EPR. Aujourd’hui, finalement, au moins dans un premier temps, le choix s’est porté sur le premier.
  • les augmentations de rejets, notamment en tritium et en carbone 14, que ce soit pour les réacteurs 1&2 de 1300 mégawatts ou pour l’EPR, ne peuvent être justifiées par leur fonctionnement réel, actuel, pour les deux premiers, si ce n’est pour autoriser des droits à polluer dans la prévision d’une situation accidentelle.

Ainsi pour les réacteurs 1&2, pour les rejets de carbone 14, ne figurait-il aucun justificatif de demande d’autorisations 3 à 6 fois supérieures aux rejets maximaux envisageables. A propos du tritium, le droit à polluer était 2 (rejets liquides) à 18 fois (rejets gazeux) supérieur aux rejets 2010 et 1,4 (rejets liquides) à 2,4 fois (rejets gazeux) supérieur au plus fort rejet historique enregistré sur le parc des réacteurs 1300 MW. Des droits à polluer que n‘expliquaient donc pas des retours d’expérience… Quant aux autorisations accordées au futur réacteur EPR, les droits à polluer accordés par l’ASN en 2010 en comparaison des rejets potentiels de ce réacteur, calculés à partir des rejets des réacteurs 1&2 du CNPE Flamanville étaient respectivement multipliés par 2,9 pour le tritium liquide, par 11,5 pour les rejets de tritium gazeux, plus de 8 pour les iodes gazeux, près de 3 pour les iodes liquides, entre 5,9 et 7,5 pour le carbone 14 et entre 2,5 fois et 5,4 pour les autres éléments beta, gamma.

Pourtant:

  • La toxicité du tritium radioactif est l’objet de controverses : selon des scientifiques indépendants, il faudrait réduire l’exposition au tritium de plusieurs centaines de fois. L’importance de l’augmentation de ces rejets n’a pas échappé aux commissaires enquêteurs lors de l’enquête publique: ils recommandaient la mise en place de réservoirs de stockage du tritium, sur le site de la centrale, pendant au moins une période (presque 12 ans) avant tout rejet en mer, recommandation non suivie d’effet…
  • Les rejets envisagés font l’impasse de leur ajout, à ceux, énormes, de l’usine de la Hague, située à proximité ;
  • La convention OSPAR, signée par la France, et visant à réduire vers zéro les rejets chimiques et radioactifs dans les mers de l’Atlantique nord, dont la Manche, d’ici 2018, n’est pas respectée en ce qui concerne ces deux éléments.

La valeur des autorisations de rejets tient davantage compte du type d’installations Nucléaires de Base et de leur nombre sur un même site que de la protection de l’environnement et du vivant. L’astuce est simple : les normes sont fixées, non en fonction d’un retour d’expérience ( REX dans le verbiage officiel), mais multipliées par 3, 4, parfois 10 ( cela peut toujours servir en situation accidentelle). Les rejets réels apparaissent donc toujours en comparaison très faibles et rassurants…

On croyait en avoir fini avec ces autorisations de rejets de 2014 : Que nenni ! On est en démocratie que diable!

II. Nouvelle étape réglementaire, deuxième semestre 2017

EDF a alors besoin d’une autorisation de modification, principalement pour fixer les autorisation de rejets radioactifs liquides et gazeux et les rejets chimiques, mais aussi en ce qui concerne les métaux pendant la phase des essais en inactif , à froid, puis à chaud et les gaz traceurs.

Les étapes réglementaires se succèdent :

  • Le 30 mai 2017, lors de la CLI FLAMANVILLE, le dossier de modification est présenté.
  • du 1er septembre au 1er octobre 2017, l’ASN annonce une mise à disposition du public dans ses locaux, à Hérouville StClair, et sur son site, d’un dossier de modification avec un registre d’observations dont elle fera la synthèse (les rares observations faisant état de l’inquiétude du public vis à vis… de la cuve, la synthèse va être rapide; juste « hors sujet » à écrire en marge).
  • Le dossier est transmis pour avis :
    • au CODERST (Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques où siègent notamment, le CREPAN-FNE, et « Que Choisir » et où les représentants associatifs sont très minoritaires.
    • à la CLI Flamanville

Le CODERST et la CLI disposent de 3 mois pour émettre leurs avis respectifs qui sont transmis à l’ASN. qui transmet ensuite, pour homologation, aux ministres chargés de la sûreté nucléaire, le projet de décision fixant les limites de rejets, accompagné du rapport de présentation et des avis recueillis.

Bien évidemment, on ne voit pas comment ce projet ne deviendrait pas…décision. Dormez en paix, bonnes gens : c’est écrit dans le dossier :

« En conclusion, les rejets radioactifs et chimiques, liquides et gazeux du site dus à la phase essais de l’EPR sont inférieurs aux limites autorisées pour la phase d’exploitation et la mise en exploitation de l’EPR FLA3 n’aura pas d’impact significatif sur les intérêts protégés mentionnés à l’Article L.593-1 du code de l’environnement. »

Même formule consacrée pour les métaux, aluminium, chrome, cuivre, fer, manganèse, plomb, nickel etc.

Nous comprenons mieux maintenant pourquoi EDF a communiqué très rapidement sur le rejet du recours déposé par le CRILAN et « Notre affaire à tous » devant le Conseil d’Etat début avril 2017, contre le décret permettant de prolonger les travaux de l’EPR de 3 ans jugement en moins d’un an, rapide pour le Conseil dEtat.

Parce que le CRILAN refuse de s’associer à ces simulacres successifs de démocratie et ces dérogations à propos des lois et réglementations concernant la sécurité des installations nucléaires de base sous pression ( en l’occurrence la cuve de l’EPR), je n’assisterai pas au groupe de travail de la CLI de Flamanville, considérée comme une simple chambre d’enregistrement des décisions prises déjà par l’Etat.

Le 9 avril 2018,

Didier ANGER, Représentant du CRILAN à la CLI de Flamanville

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