Le temps de rire aux assassins

(…)
Les canons d’acier bleu crachaient
De courtes flammes de feu sec
Pourvu qu’ils me laissent le temps

Une abeille de cuivre chaud
L’a foudroyé sur l’autre rive
Le sang et l’eau se sont mêlés
Il avait eu le temps de voir
(…)
Le temps de rire aux assassins
Il avait eu le temps de vivre.
Boris VIAN

L’impensable nous a d’abord laissés en état de sidération, submergés : certains assassinés pour avoir dessiné “Dieu” !..D’autres blessés grièvement. Insupportable…

Certains d’entre eux avaient croisé la route du CRILAN :  les souvenirs ont afflué.

  • CABU, venu à Flamanville, en avril 1975, pour soutenir la mobilisation contre le projet de centrale nucléaire et le CRILAN naissant : une bande dessinée était née, reprise ensuite dans “la France des Beaufs”; puis revu en 1978, au local de Charlie Hebdo, alors que j’étais invité par l’équipe lors de la sortie de mon premier bouquin “Chronique d’une lutte”, à la bouffe du mercredi midi : c’était la fête avec les Choron, Coluche, Wolinsky…
  • En 1980, le CRILAN de Saint-Lô avait pu publier “ 100 dessins contre le nucléaire” grâce aux dons des dessinateurs . Parmi les signataires : Cabu, Honoré et quelques autres dont Plantu…
  • Nous sommes restés en contact avec Fabrice Nicolino, responsable du numéro Hors série de Charlie “ L’escroquerie nucléaire”. Il est sorti blessé de ce traquenard d’un autre âge.

A l’appel des journalistes locaux, nous nous sommes retrouvés à Cherbourg, place de la République, dès le mercredi soir du 7 janvier. Autour de nous, beaucoup d’authentiques défenseurs de la liberté d’expression mais aussi quelques autres, qui dans un passé récent , dans ce Cotentin nucléaire, manifestaient leur volonté de nous empêcher de nous exprimer, nous menaçaient et molestaient même certains de nos amis… ” Je suis Charlie” ont-ils brandi…
Malaise de voir ce dernier être réduit à la seule dénonciation des sectarismes et fanatismes religieux. Sa rédaction était dans la lignée des Daumier, Steinlein, de l’Assiette au beurre d’avant 14, du Crapouillot d’origine, et du Canard enchaîné (parce que censuré) pendant la Grande guerre, des Ferjac, Siné, Escaro, Kerleroux…, dans la lignée de tous ceux, qui, ici et là dans le Monde, se sont engagés contre les totalitarismes durs ou apparemment doux des idées dominantes.

Après le temps des “Nous sommes tous des Charlie”, il faudra bien que vienne celui de savoir  comment notre société qui s’érige en modèle de la liberté  de conscience a-t-elle pu fabriquer de  pareils fanatiques en son sein et remonter aux causes…Alors viendra le temps où nous manqueront encore davantage la clairvoyance et l’impertinence de nos amis disparus.
Continuons de rire aux conformistes, aux liberticides et aux assassins.

Didier &  Paulette ANGER

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