Le 21 décembre 2021 , TVO a annoncé le démarrage de son EPR suite à 12 ans de retard. Ce chantier lancé en 2005 dans le sud-ouest de la Finlande est devenu pour Areva un chemin de croix miné par des retards et les dérives financières selon Libération ( 1) .
Sa mise en service, à l’origine prévue en 2009, a été plusieurs fois repoussée pour atteindre 12 ans de retard à cause de problèmes techniques, des fissures sur les tuyaux, des problèmes de soupapes, de vibrations du circuit en lien avec le presuriseur. Le coût, estimé à l’origine à 3,2 milliards d’euros a ainsi triplé . A ce jour cette opération se révèle coûteuse pour la France : suite au contentieux Areva-TVO, Areva SA a du s’acquitter d’1 milliard d’euros (1) de pénalités de retard auprès de l’opérateur finlandais, poussant l’Etat français à renflouer ses caisses en décembre 2020.
Mais la liste n’est peut être pas close, car les EPR français, finlandais et anglais sont possiblement concernés par un problème de tenue du combustible au sein du réacteur à l’image de l’EPR 1 de Taishan en Chine . Ce démarrage fait donc l’impasse sur l’ incertitude sur la tenue du combustible, le même que celui en cause à l’EPR 1 de Taishan en Chine et qui a entrainé son arrêt depuis ….
Le réacteur 1 de Taishan
L’origine du problème sur le réacteur EPR de Taishan n’est toujours pas identifiée plus de 4 mois après sa mise contrainte à l’arrêt. Une cause structurelle sur la technologie EPR, qui remettrait en question l’ensemble des réacteurs de ce modèle en chantier dans le monde, ne peut être écartée. C’est le sens du Communiqué de presse de la CRIIRAD du 28 novembre 2021 ( 2) ; l’association indépendante située à Valence a émis l’hypothèse d’un défaut de conception de la cuve du réacteur.
« Les éléments recueillis suggèrent que les ruptures des gaines de combustible radioactif proviendraient en particulier d’un défaut de conception de la cuve de l’EPR : il entrainerait une mauvaise répartition du flux hydraulique et par voie de conséquence des vibrations très importantes sur les assemblages, conduisant à des ruptures de gaines, une usure anormale des grilles de maintien des crayons, la dispersion de débris radioactifs
dans le cœur du réacteur, avec de lourdes conséquences en terme de sûreté et de radioprotection pour les travailleurs et les riverains. Si ces éléments sont avérés, ils pourraient concerner toute la filière des EPR (Taishan 2, Flamanville 3, Olkiluoto 3, Hinkley Point) ».
La CRIIRAD poursuit : « Il est essentiel que les autorités de sûreté nucléaire des pays concernés puissent effectuer une analyse rigoureuse du retour d’expérience Taishan 1 et de ses conséquences sur la sûreté des EPR. » Ce conseil ne semble pas avoir été entendu par STUK autorité de sureté nucléaire finlandaise qui a autorisé le démarrage de l’EPR OL3.
Un combustible français
La gaine, qui recouvre les pastilles d’uranium nécessaires à la fission nucléaire, est présente sur chacun des 64 000 crayons de combustibles disposés sur les 241 assemblages de combustibles réalisés par Framatome.
Pour le Figaro ( 3) , « ces gaz rares, radioactifs, se sont échappés de quelques-uns des milliers de crayons enserrés dans les assemblages de combustibles, eux-mêmes plongés dans la cuve du réacteur pour chauffer l’eau du circuit primaire. Fabriqués en alliage de zirconium, ces tubes de plus de 4 mètres de haut renferment les pastilles d’uranium enrichi. Lorsque la gaine d’acier se met à fuir, les gaz rares comme le krypton ou le xénon produits par la fission des atomes, se répandent dans le circuit primaire. Dans le jargon de l’industrie, on appelle cela des « crayons fuitards ». Ces derniers sont, dans le cas du réacteur numéro 1 de Taishan, « made in France », fabriqués par Framatome (filiale d’EDF) dans son usine de Romans-sur-Isère ».
Des dégazages intempestifs
Selon le Figaro, « la présence de certains gaz rares dans le circuit primaire est un phénomène connu, étudié et prévu par les procédures d’exploitation des réacteurs », préfère rassurer EDF. Mais dans le cas de l’EPR de Taishan, la concentration devient préoccupante. En temps normal, le circuit primaire est purgé des gaz rares. Ceux-ci sont alors stockés dans des réservoirs de traitement, le temps de perdre en nocivité. Le xénon voit par exemple sa radioactivité divisée par deux toutes les neuf heures. Les gaz sont ensuite rejetés dans l’atmosphère. « Plus un circuit primaire est contaminé, plus les dégazages doivent être réalisés en flux tendus, plus les temps de décontamination des gaz sont courts et plus la radioactivité rejetée dans l’atmosphère est importante », prévient Yves Marignac, expert en sûreté nucléaire chez Négawatt.
Pour Sortir du Nucléaire, Il faut également souligner que les gaz rares ne sont pratiquement pas retenus par les dispositifs de filtration des effluents gazeux. D’après CNN, la note de Framatome du 8 juin dernier précise que l’autorité de sûreté chinoise a déjà multiplié par plus de 2 la limite fixée pour les rejets de gaz rares dans l’environnement.
Selon la CRIIRAD , le 14 juin 2021, les rejets radioactifs effectués au 30 mai correspondaient déjà à 90% de la limite annuelle. Une nouvelle augmentation de la limite règlementaire serait envisagée.
L’ASN se positionne.
Le 9 décembre, l’ASN ( autorité de sûreté nucléaire française ) a réagi par l’intermédiaire de son directeur général adjoint, Julien Collet. Elle conditionne l’autorisation de mise en service de l’EPR de Flamanville “au retour d’expérience de l’écart de l’EPR Taishan 1”.
Un démarrage à hauts risques en Finlande
Le démarrage de l’EPR de Olkiluoto 3 en Finlande a crée la surprise. Interviewé par France Bleu Cotentin le CRILAN a exprimé son étonnement dans le contexte des EPR en service ou en construction comme à Flamanville.
Dans son nouveau communiqué du 22 décembre la CRIIRAD (4) rappelle « qu’ à Taishan 1 les dégradations sur le combustible nucléaire apparaissent progressivement du fait de vibrations anormales des assemblages et ceci d’autant plus qu’ils ont été soumis à une forte irradiation cumulée. » Elle indique que dans un document du 16 décembre en accompagnement de sa décision d’autorisation de divergence du réacteur, « STUK est d’avis que l’apparition de fuites de combustible à OL3 pour la même raison est peu probable « . STUK mentionne en particulier des « différences de combustible utilisé dans les centrales » et indique que « par mesure de précaution, TVO effectuera des
inspections visuelles complètes du combustible. »
Les échanges entre un lanceur d’alerte qui travaille dans l’industrie nucléaire et la CRIIRAD suggèrent que la situation est beaucoup plus complexe. Par exemple, dans le cas d’OL3, le combustible ne présenterait certes pas la problématique de casse des ressorts de maintien des crayons, mais il serait plus « souple » que celui utilisé à Taishan et pourrait donc être encore plus impacté par les phénomènes vibratoires ».
La CRIIRAD demande donc que TVO rende public l’ensemble du dossier scientifique et technique justifiant l’affirmation selon laquelle les fuites de combustible sur OL3 sont « peu probables ».
La CRIIRAD « considère que les causes des dysfonctionnements rencontrés sur l’EPR de Taishan 1 n’ayant pas encore été soigneusement identifiées et traitées, l’EPR d’Olkiluoto n’aurait pas dû être autorisé à diverger. D’autant que la lecture attentive du mémorandum de STUK nous rappelle que de nombreux dysfonctionnements portant atteinte à la sûreté du réacteur ont été découverts sur ce chantier. »
Affaire à suivre…
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(2) http://www.criirad.org/Surete-nucleaire/Communique_de_presse_CRIIRAD_du_28_novembre_2021-Taishan_1.pdf
(4) https://www.criirad.org/Surete-nucleaire/EPR_Finlande-Communique_de_presse_CRIIRAD_22.12.2021.pdf