Le CRILAN s’oppose au projet « Aval du Futur » à Orano la Hague

14 juin 2025
Le projet « Aval du futur » concerne la fin du “cycle du combustible” après son passage dans les réacteurs nucléaires. Alors que plusieurs pays dont la Grande Bretagne ont décidé d’arrêter le retraitement des combustibles nucléaires usés, la France s’entête dans cette voie qui touche particulièrement le Cotentin. Emmanuel Macron veut que les industriels ferment le cycle du combustible nucléaire grâce au multi-recyclage des combustibles usés alors que les déchets nucléaires du pays atteignent aujourd’hui 1,8 million de tonnes et continuent de s’accroître. C’est une illusion.
Opposé au retraitement des combustibles usés à la Hague, le CRILAN s’oppose à ce troisième projet dont les dimensions techniques, économiques, environnementales, juridiques et éthiques posent question. La démocratie environnementale et le débat citoyen sont tout simplement bafoués.

Le projet : 
Initié en réponse à la possible embolie des piscines de la Hague, le projet AVAL du Futur résulte des décisions prises par le Président Macron en Conseil de Politique Nucléaire de mars 2025, sans vote de l’Assemblée Nationale sur la PPE 2025-20235 (Programmation Pluriannuelle de l’Energie), ni débat public approprié.

Les piscines ou bassins : Le projet inclut la densification ou entassement de +30% des actuelles piscines de la Hague, la construction de 3 nouvelles piscines de 6500 tonnes, soit un triplement des entreposages si les anciennes piscines sont conservées à la suite du diagnostic envisagé par Orano. A la faveur de contrats étrangers, les combustibles usés moxés pourraient y être entreposés pendant 70 ans avant un éventuel retraitement industriel qui n’existe pas aujourd’hui.

Le retraitement : les Shadock pompaient.
Le retraitement vise à séparer divers éléments radioactifs présents dans les combustibles usés en vue de leur réutilisation (1 % de plutonium et 95% d’uranium de retraitement) ou bien du stockage définitif de leurs déchets nucléaires ultimes (4 % de produits de fission non valorisables).
Ce projet soulève des questions sur la capacité d’Orano à retraiter efficacement les combustibles usés au regard de la baisse continue des tonnages retraités et aussi de l’augmentation des stocks de plutonium sans utilité ; sans parler de l’uranium de retraitement non valorisé à ce jour. Une partie de cet uranium serait retraité en Russie malgré l’embargo…

Ainsi et avec 80 tonnes de plutonium issu du retraitement stocké à la Hague, seul 1 % du plutonium des combustibles usés est utilisé pour la fabrication du MOX composé d’uranium neuf et de 8-10% de plutonium. Pour mémoire, le réacteur 3 de Fukushima explosé contenait du MOX, et un microgramme de plutonium suffit à entraîner un cancer du poumon. Actuellement le combustible Mox est utilisé dans les 24 réacteurs les plus anciens de 900 MW sur les 56 du parc français. Il est aussi vendu au Japon.

Toujours sur le site actuel, Orano envisage la construction d’une nouvelle usine de retraitement UP4, susceptible de retraiter le MOX usé, les deux usines actuelles arrivant possiblement à leur terme en 2040.
Orano envisage aussi une nouvelle usine de fabrication de MOX comparable à celle de Marcoule (Melox) dont les plus de 350 tonnes de rebuts de MOX sont stockés à la Hague : la boucle est re-bouclée pour le plutonium.

Impact économique : un nouvel Eld’Orano ?
A ce jour, on ne dispose d’aucune approche économique sur le coût de ce projet industriel et encore moins sur le rapport coût /efficacité du retraitement des combustibles usés. L’effet d’annonce suffit à solvabiliser le projet.  Pendant ce temps on assiste à un essaimage d’Orano et Framatome sur le Cotentin : à Cherbourg en Cotentin (plusieurs sites), Valognes, Saint Sauveur le Vicomte, les Pieux, Beaumont-Hague.
Pour sa construction, le projet pourrait engendrer une augmentation significative de la population locale de l’ordre de 8000 à 20000 personnes, soit +10 % des habitants du Cotentin. On imagine vite les conséquences sur le logement, si rare au bout de la presqu’île, les routes et voies dont celles dédiées inévitablement au nucléaire, l’emploi et les formations toutes axées vers le nucléaire, les services et les capacités sanitaires déjà tendues.

L’Etat dédie le Cotentin à une quasi mono industrie tournée vers le nucléaire civil et militaire avec les risques sociaux inhérents à ce genre d’aventure. Et pourtant les élus de droite et de gauche se pressent pour accompagner le nouvel Eld’Orano.  Mais qui a mandaté les élus pour cela alors qu’aucun débat public n’a eu lieu ?
EDF serait le principal client d’Orano. Mais avec ses 54 milliards de dettes, EDF est face à un mur d’investissements :  23 milliards pour l’EPR de Flamanville sans compter la reprise du fond de cuve et le changement de couvercle, 100 milliards pour les 6 futurs EPR 2, 66 milliards (2024) pour le grand carénage des vieux réacteurs, 144 millions pour « redonner du souffle » à Melox à Marcoule,  37 milliards ( 2025) pour Cigéo à Bure et aussi environ 54 milliards (2030) pour les 2 EPR d’ Inkley Point en Grande Bretagne dont la dérive des coûts devrait être supportée à 85% par EDF.  Combien coûterait le projet Aval du Futur mené par ORANO ?
Comme le souligne Laure Noualhat dans son ouvrage récent: « Le nucléaire va ruiner la France ».
Pendant ce temps, d’autres activités non nucléaires comme les hydroliennes de Cherbourg attendent depuis 2018 de pouvoir s’implanter et démarrer leur production. C’est dans ce contexte que la France est devenue la bonne dernière en Europe sur le développement des énergies renouvelables, cette situation constitue un handicap pour la production d’électricité dans les années à venir.

Conséquences environnementales : 
L’usine de retraitement de la Hague présente déjà des rejets radioactifs liquides et gazeux et des pollutions dans l’environnement. Le projet AVAL du Futur ne pourrait que les amplifier alors que la Convention Ospar (Oslo Paris) dont l’application a été repoussée de 2025 à 2050 devrait les interdire, comme pour les déchets nucléaires solides en mer.
En 2018, Yves Marignac décrivait la Hague comme possédant un « potentiel de danger sans équivalent, sans commune mesure avec tout ce que l’on connaît en France et en Europe », notamment vis-à-vis d’un risque terroriste.

Effluents rejetés en mer : En Tritium la Hague rejette en 30 jours l’équivalent de 30 ans des rejets de Fukushima. (Source David Boilley ACRO). L’autorisation de rejets annuelle de tritium de la Centrale accidentée de Fukushima est de 22 térabecquerels par an alors que la Hague dispose d’une autorisation pour 18500 térabecquerels annuels dans la Manche soit 840 fois plus (Source ACRO). La Hague rejette notamment du Cobalt et de l’iode 129 que l’on retrouve à Ecalgrain (Cf étude ACRO).L’usine rejette aussi des déchets chimiques en mer :  pour les nitrites, les niveaux annuels sont comparables à ceux d’une ferme de 100 000 porcs.

Effluents gazeux : l’usine est autorisée à rejeter 20 000 fois plus de gaz radioactifs rares (dont Krypton) et 500 fois plus de tritium gazeux qu’un réacteur de Flamanville (Source Mycle Schneider)
Si les émissions restent dans les limites autorisées, l’évaluation de leur impact fait l’impasse sur les faibles doses et leur accumulation ; l’enquête sanitaire demandée par la ministre Corinne Lepage à la suite de l’affaire des leucémies de la Hague n’a jamais été mise en place. Et on ne saurait oublier les pollutions des ruisseaux environnants de la Hague comme le Grand bel, le Ru des Landes ou la Sainte Hélène, l’incendie du Silo 130 toujours en voie de décontamination.

Les déchets nucléaires : Fin 2024 la Hague entreposait notamment 41 146 fûts métalliques destinés à Bure soit:
21268 fûts de déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) pour la structure métallique du combustible,
19858 fûts de déchets vitrifiés de haute activité à vie longue (HA-VL) pour les éléments radioactifs issus des produits de fission. Avec le projet Aval du futur et sans oublier les déchets de faible et moyenne activité conservés ou évacués ailleurs, combien d’autres déchets vitrifiés et combien de sites d’entreposage à construire à la Hague avant que Bure ou un autre lieu ne puisse les accueillir ?  La solution pourrait se résumer à un entreposage de très longue durée à la Hague pour les déchets les plus dangereux, avec les risques inhérents.

Pas d’étude environnementale : Le projet Aval du Futur ne présente aucune étude d’impact environnemental adéquate alors qu’UP4 devrait traiter le MOX usé très radioactif avec des rejets en mer et dans l’air.
Ainsi les besoins en eau douce ne sont pas quantifiés, alors qu’ils pourraient entrer en concurrence avec les besoins de la population. Les besoins en énergie électrique d’un tel complexe industriel ne sont pas annoncés alors que l’on connaît la fragilité des lignes électriques mises à l’épreuve notamment lors des tempêtes de neige. Une rupture d’approvisionnement électrique pourrait entraîner un accident majeur par manque de refroidissement des piscines et d’autres boues radioactives.

Dimensions juridiques et éthiques :   
La législation actuelle, dont la loi d’accélération du nucléaire de 2023, pourrait contourner les réglementations environnementales pour faciliter ce projet sans débat.  Chaque jour le droit de l’environnement se trouve malmené et un texte en cours d’étude pourrait dispenser de débat public les grands projets industriels en France. Qu’en sera-t-il pour Aval du Futur ?
Enfin le projet soulève des préoccupations éthiques sur la gestion des déchets nucléaires et la transparence envers les générations futures, la notion de réversibilité des entreposages et stockages. La confiance dans les institutions, élus et industriels est en jeu faute de transparence, d’information, de vote des députés et de participation du public.

Conclusion :  

Rien ne justifie le projet Aval du Futur qui est destiné à donner l’illusion de la fermeture du “cycle du combustible” ouvert aujourd’hui à 99 %. Le seul 1 % du plutonium récupéré et si peu valorisé ne peut justifier une telle usine, grande productrice de déchets nucléaires et chimiques et responsable de pollutions dans l’air et en mer.
Face à un projet pharaonique, aussi dangereux que hasardeux, engagé sans débat démocratique, le CRILAN demande l’arrêt du retraitement des combustibles usés, leur stockage à sec et la neutralisation du plutonium produit.

Le CRILAN, Comité de Réflexion, d’information et de Lutte Antinucléaire appelle à participer au Festival HARO du 18 au 20 juillet à Vauville dans la Hague.

CLI Orano du 6 mars 2025:  les  placements de la commission locale d’information  et le projet Aval du futur.

Constituée en association 1901 et gérée par le Conseil départemental, la CLI Orano dispose de revenus essentiellement fournis par le Conseil départemental et l’ASN. Rappel: la CLI Orano n’engage en rien la Société Orano.

Ainsi la CLI Orano « capitalise » 270 000 euros à la fin 2024. Mais pour quoi faire ? alors que les deux autres CLI Flamanville et CSM Andra sont en régie directe du Département et ne peuvent faire d’excédents de gestion même pour leurs projets éventuels.

Le CRILAN a voté contre les résultats financiers 2024 de la CLI ORANO et demandé à ce que la CLI renonce à solliciter la subvention du Conseil départemental pour 2025.

Ainsi que le CRILAN l’a rappelé, une subvention suppose un besoin de financement. Dans le cas du budget de la CLI Orano ce besoin n’est pas avéré puisque la cagnotte représente plus de  5 années de subvention sans faire appel à l’aide du Conseil départemental.

La subvention annuelle serait mieux employée pour les dépenses sociales du département : Aide sociale à l’enfance, aide aux personnes âgées,  RSA et aide aux mineurs isolés. 

Que nenni !, un syndicat et une élue en vue sont montés au créneau pour que rien ne change. Les élus écologistes et sociaux du département sont restés muets.

La situation particulière de la CLI Orano

Les CLI Flamanville et CSM Andra sont gérées directement par le département et ne disposent ni de la personnalité juridique ni de l’autonomie de gestion. Leurs faibles capacités financières nous sont opposées pour les besoins d’expertises indépendantes comme sur l’EPR.

L’association 1901CLI Orano est gérée par le département mais jouit d’une autonomie réduite notamment pour les créations d’emploi alors qu’elle dispose de ressources le permettant.
Ainsi la CLI Orano dispose de moyens sans commune mesure avec les autres CLI mais  sans les utiliser.
Et pourtant le nouveau projet « Aval du futur » pourrait bien mériter une expertise indépendante pour approcher son utilité technique et économique qui n’est pas avérée.

A la fin de la CLI Orano et dans un temps contraint,  le Sous-préfet a donné des informations sur le projet placé en question diverses : « Mise en place d’un Comité stratégique grand projet du Cotentin » qui concerne en réalité le projet « Aval du futur ». Le CRILAN a demandé des détails sur le projet

A notre surprise nous avons vu dévaler oralement et sans supports, une démarche préalable à l’accompagnement du projet ORANO qui comprend la construction de 2 à 3 piscines nucléaires, une nouvelle usine de retraitement des combustibles usés UP4, une usine de fabrication du MOX ..
Un projet pharaonique susceptible d’employer entre 15 000 à 20 000 personnes !!!!!.

1 Un Comité stratégique pour le grand chantier Hague  : Suite à une réunion à la Prefecture en fin d’année 2024, les pouvoirs publics, les élus et les industriels ont constitué un comité autour du Préfet, du Président du Conseil départemental , de la CAC, des maires de Cherbourg et de la Hague, d’Orano, avant même que le débat public ne soit engagé….

Ce comité veut préfigurer les incidences du projet sur le logement, l’emploi et les transports..

2 Des groupes de travail sont constitués :

La concertation et la communication du projet en direction de la population  (priorité 1):
Incorrigibles, les porteurs du projet semblent vouloir se passer d’un débat public préalable sous l’égide de la CNDP (commission nationale du débat public) obligatoire pour ce type de projet.

L’emploi et la formation  avec les industriels et les syndicats.

Le foncier et le logement : (priorité 2). Comment loger 20 000 travailleurs ?

Les mesures d’accompagnement pour la santé, l’éducation, la culture, les sports..

Tout semble donc  ficelé  pour « Aval du futur » qui devrait dévaler sur le Cotentin sans que ce projet ne soit validé par la PPE ni par un débat public (qui ne ressemble en rien à une consultation).

Le CRILAN est intervenu pour déplorer le manque de démocratie dans ce projet dont la décision semble prise et imposée au Cotentin et ailleurs.

Avec la population et les autres groupes et collectifs qui s’inquiètent de ce projet qui n’est ni démocratiquement, ni techniquement, ni financièrement validé, le CRILAN reste mobilisé.

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